Construction de l'Humanité

Sanguine


Clef de lecture

Dans ce tableau, la figure centrale émerge de l’océan primordial. Androgyne pour marquer la fusion des genres de l’homme universel, le visage apparaît en cours d’élaboration : les paupières non dessoudées, le nez juste esquissé, l’absence d’oreilles, la bouche suturée par une ligne de construction faciale, à quoi répond la position des bras le long du corps, marquent cet état de création de la dimension humaine qui passe par l’éveil des sens. 
Cette sanguine traite de l’émergence de l’Humanité, celle qui, toutes cultures confondues, permettra à la vie de s’épanouir harmonieusement. L’emploi du h majuscule dans le titre, fait référence à une interprétation du récit biblique. En effet, dans la Genèse 1 verset 26, il est écrit :  » faisons homme (sans article en hébreu)… « , tandis que verset 27 nous trouvons :  » Dieu créa (bara) l’Homme (avec article) « , soit le couple indissociable . Ce deuxième verbe, bara, intervient aussi pour la création de la vie animale. Le Sans-Nom crée l’homme mâle-et-femelle de la même façon que l’ensemble du règne animal. (Les clefs de lecture de Loup Visagé, Amicizia, la  » Reine  » et le Cerf, son Roi permettent de mieux appréhender l’importance de ce lien.) De même, lorsqu’il est littéralement écrit :  » Dieu dit : faisons homme (Adam en hébreu), Adam est dépourvu d’article, tandis qu’au verset suivant : Dieu crée l’homme (Haadam avec article). Voilà le fameux H. 
L’Humanité telle que nous la concevons concerne l’ensemble des êtres vivants. Ceci n’est pas sans rapport avec le hiéroglyphe Humanité : REMETCH, soit :

– une bouche pour symboliser la capacité d’expression (au sens large de toutes formes de communication), 
– la chouette :  » ce qui est dans « . Le premier lien avec le signe précédent semble marquer l’essence de la parole. A noter que le son M figure également sous les traits d’une chouette et peut aussi s’écrire sous la forme d’une côte d’animal, laquelle nous corrélons à la fameuse cote biblique, également porte ouverte sur le féminin sacré, 
– le joug mis pour l’animal ( » ce qui est dans le joug de par la chouette « ), – le couple homme/femme, symbolisant l’Homme mâle-et-femelle de la Bible.

Soit, d’après une lecture personnelle : l’Humanité réside dans la prise en compte de l’expression animale. 
Une interprétation plus traditionnelle consiste à ne voir que la parole, suivie de l’intériorité et du caractère disciplinaire requis pour la vie en société.

Les brindilles qui bordent le buste rappellent à la fois la nidification animale et la couronne d’épines. Corrélées au statut d’écorché qui découle de l’état de construction, d’inachevé en progression vers l’identité du vivant, l’ensemble traduit la douleur par laquelle l’homme accède à la dimension humaine. D’ailleurs, le hiéroglyphe précédemment évoqué, remetch, n’est-il pas lui même formé sur la racine Rem, qui signifie pleurer ?
Les ailes déployées qui président à la Création, sont celles d’une chouette effraie en rapport avec le hiéroglyphe Humanité. Sa tête en forme de cœur place cette création sous le signe de l’amour universel. Chez les Aztèques, elle est également reliée aux forces qui engendrent toute croissance. Unissant le terrestre au céleste, figuration du pneuma, les ailes promettent l’élévation de l’âme pour cet être nouveau, par la couronne de la tête, au-dessus de laquelle, en signe, plane une plume. La couronne réfère aussi à la première sefira : celle de kétèr, de « je serai « , laquelle évoque aussi le  » ici, maintenant « , lien avec la beauté de l’instant tel qu’il est appréhendé dans la spiritualité bouddhique. 
Quant aux bulles, elles figurent les bulles de mémoire que l’on traverse lorsque l’on vit-et-meurt.  » Celui qui regarde le monde comme on regarde une bulle d’air, celui-là est capable de ne plus voir le royaume de la mort  » , peut-on lire dans le Dhammaada Boudhique. 
La planète à l’intérieur du crâne du personnage évoque le codage génétique qui préside à la Création de l’univers tel qu’il est développé par la théorie des Bogdanov. 
La composition elle-même sous-tend la narration imagée puisque, de son observation, émerge un pentagramme mis pour le féminin sacré, dont nous avons évoqué l’importance pour la structuration de l’Humanité dans les clefs de lecture des précédents tableaux. La lune, souvent associée au féminin comme à la chouette, unifie l’ensemble de la narration picturale.
Et au fond, toujours un bateau se dirigeant vers le phare.